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Partenariat pour la Protection Intégrée (PPI) est une organisation de droit congolais à mandat régional œuvrant pour la promotion de la paix et la protection des défenseurs des droits humains. Dans le cadre de sa mission, chaque mois, PPI publie un feuillet de monitoring considéré comme un thermomètre de la situation des droits  des défenseurs des droits humains (DDH) et des journalistes en République Démocratique du Congo. 

Au cours du mois d’août 2022, PPI a documenté « Vingt (20) nouveaux cas de violations et abus contre les défenseurs des droits humains et les journalistes en République Démocratique du Congo ». 

Ces violations et abus répartis sur cinq provinces sont entre autre, neuf (9) militants pro démocratie du mouvement citoyen Communauté de Jeunes Leaders arbitrairement arrêtés et détenus dans des cachots de l’ANR à Kamina dans la province du Haut-Lomami ; un (1) journaliste de la radio Candip FM sous menaces de mots par des rebelles en province de l’Ituri. Au Nord-Kivu, trois (3) journalistes et un (1) DDH respectivement interpellé (à Beni), attaqué à domicile (Rutshuru) et menacés par des éléments de la police (à Goma). Au Sud-Kivu, deux (2) journalistes de Radio Maendeleo agressés en l’intervalle d’une semaine et un (1) DDH arrêté, jeté au cachot et torturé cruellement par des autorités coutumières en territoire de Kalehe pour avoir transmis un rapport d’enquête qui les accable à la présidence de la république, les accusant de faire partis de auteurs des violences sexuelles dans la zone et d’autres auraient des liens avec le mouvement rebelle M23. Enfin, dans la ville province de Kinshasa, il est signalé le cas de trois (3) journalistes attaqués et arrêtés pendant la réalisation des reportages. Pour une meilleure lecture et compréhension, ci dessous une description succincte du déroulement des faits évoqués :

  1. Violences contre les journalistes et les médias
  1. Agression contre deux journalistes de Radio Maendeleo au Sud-Kivu : Le 29 août 2022, le journaliste Etienne Mulindwa de Radio Maendeleo a été agressé dans la soirée sur son chemin du travail vers son domicile en commune de Bagira, dans la ville de Bukavu. Des hommes inconnus venus à moto s’en sont pris au journaliste, le dépouillant de tout et le blessant avant de l’abandonner sur la route dans un état de santé précaire. 

Une semaine avant, c’est son confrère, Expedit Kyalu qui, lui aussi, a été victime d’une agression dans les mêmes circonstances. Respectivement secrétaire de rédaction et journaliste reporter à Radio Maendeleo, une radio communautaire et associative du Sud-Kivu, Etienne Mulindwa et Expedit Kyalu, font partie aussi des présentateurs de certaines des grandes émissions de cette chaîne, telles que la Voix de la Jeunesse et Paix et Développement. 

  1. Arrestation du journaliste Pius Romain Roland Ngoy à Kinshasa : Journaliste indépendant et collaborateur de plusieurs médias en ligne en RDC, Pius Romain Rolland a été arrêté le 27 août 2022, à 11h, par des agents du parquet de Grande Instance de Kinshasa/Gombe. 

Enlevé d’un véhicule après son reportage réalisé au domicile d’un citoyen congolais qui a été déguerpi par les forces de l’ordre à Kinshasa, Romain a été brutalisé par ces agents. 

Selon son témoignage, il lui a été brandi un document [mandat de recherche] de l’Agence Nationale de Renseignement (ANR) datant de 2021. Pius Romain n’a été libéré que jusque 17h, dans la soirée du même jour.

  1. Arrestation du journaliste Dimanche Kamate à Beni au Nord-Kivu : Rédacteur en chef de la Radio Muungano émettant à Oicha, chef-lieu du territoire de Beni en province du Nord-Kivu, Dimanche Kamate a été interpellé le vendredi 12 Août 2022, par la police puis transféré à l’Etat-major de l’armée, situé au camp militaire de Matobo dans la même agglomération où il a été retenu pendant des longues heures. Il a été reproché à Kamate la diffusion d’une émission qualifiée de « prohibée » sur les antennes de la radio Muungano, le dimanche 7 août 2022. 

C´est sur ordre de l’administrateur militaire du territoire de Beni, le colonel Ehuta Omeonga Charles que le journaliste a été interpellé puis auditionné sur procès-verbal. 

En effet, Kamate a dirigé l’émission « débattons-en » autour de l’analyse de la guerre du M23 par les animateurs des mouvements citoyens, qu´il avait comme invités.

L’administrateur militaire a alors estimé que cette émission « a violé les normes de l´état de siège » actuel. Il a indiqué qu´il s´agit pour lui de donner une correction au journaliste pour revenir à l´ordre selon la vision de l´état de siège. Dimanche Kamate a été libéré le même vendredi dans la soirée.

Il sied de noter que dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri dans l’Est de la RD Congo, les violations contre les médias, les journalistes et les DDH se sont accentuées depuis mai 2021 quand l’état de siège y a été décrété par Felix Tshisekedi, Président de la RDC.

4. Attaque du domicile du journaliste Vianney Watsongo à Rutshuru au Nord-Kivu: Journaliste à la Radiotélévision Évangélique et de Développement Hermon (RTDEH) émettant dans la cité de Rutshuru, en province du Nord-Kivu dans l’Est de la RD Congo, Vianney Watsongo a été victime d’un cambriolage à son domicile situé au quartier Buturande, dans la cité de Kiwanja. L’attaque est survenue dans la nuit du lundi au mardi 16 août 2022, aux environs de 2 heures du matin par des hommes non connus. Son ordinateur et tous les matériels d’enregistrement ont été emportés par ces malfrats.

Ils ont également emporté une somme d’argent lors de cette opération, avant de se volatiliser paisiblement dans la nature. Signalons que déjà le 11 août 2022, Vianney Watsongo, après avoir été menacé au téléphone, a trouvé devant la porte de sa rédaction un tract lui promettant la mort. Deux jours après, un autre tract a été également déposé devant la porte de son domicile.

Actuellement, Watsongo craint pour sa vie et demande protection. Au Nord-Kivu, les journalistes exercent dans des conditions très préoccupantes, suite à l’activisme des groupes armés, notamment les rebelles du M23. Depuis le 13 juin 2022, ces rebelles occupent la cité de Bunagana située en territoire de Rutshuru à la frontière entre la RDC et l’Ouganda. Dans la même cité sous occupation, un journaliste de la Radio communautaire Mikeno de Bunagana vit en clandestinité depuis plusieurs mois suite aux menaces proférées par les rebelles du M23.

5. Menaces policières à l’endroit du journaliste Pacifique Mahamba et du DDH Jules Ngeleza à Goma: Tout au long du mois d’août 2022, des éléments de la police sont à la recherche du journaliste Pacifique Mahamba qui vit actuellement dans la clandestinité. 

Le journaliste Pacifique est menacé pour avoir réalisé un reportage sur le cas de viol d’une fille de 15 ans dont l’auteur serait un policier. Ce reportage a été diffusé sur les ondes de la radio Blessing FM, émettant dans la ville de Goma, le 28 juillet 2022 et dès lors, la chasse à l’homme a commencé. Recherché par des éléments de la Police Nationale Congolaise (PNC) aussi bien à domicile qu’à la station et à la corporation des journalistes, Pacifique Mahamba se sent en insécurité et est obligé de vivre en cachette. 

 Jules Ngeleza, président d’un groupe local de jeunes de la société civile, qui a accordé l’interview au journaliste et qui a déclaré au micro de Blessing FM que l’auteur du viol est un policier travaillant comme garde pour l’ancien président de la RDC, Joseph Kabila Kabange, est, lui aussi, recherché.

6.Menaces de mort contre le journaliste Jean Christian Bafwa Kabaseke en Ituri : Rédacteur en chef de la radio privée Candip FM dans la province de l’Ituri, Christian Bafwa est menacé de mort par des hommes inconnus membres du groupe armé Force Patriotique et Intégration du Congo (FPIC) connu aussi sous le nom de « Tshini ya Kilima »(sous la montagne), opérant dans la région.

Des menaces lui sont proférées par voie téléphonique après un reportage sur l’activité et les exactions de ce groupe armé fin juillet 2022, qui place des barrières sur le tronçon routier Bunia-Komanda et fait payer de l’argent aux passants.

Le 04 août 2022, Christian a reçu des appels anonymes le menaçant et lui promettant de lui régler les comptes et lui interdisant de parler du FPIC. En Ituri, au Nord-Kivu et dans toute la partie Est de la RD Congo, aux menaces faites par les autorités politico-administratives et agents de l’ordre s’ajoutent celles des groupes armés et des rebelles, rendant ainsi l’environnement de travail plus complexe pour les DDH et les journalistes.

7. Attaque contre les journalistes à Kinshasa : Le 02 août 2022, Fify Kibwana journaliste de la chaîne de télévision privée Verts Pâturages a été attaquée par des hommes s’étant identifiés comme des militants de l’Union pour le Démocratie et le Progrès Social (UDPS), parti politique au pouvoir en RD Congo. C’était lors que Fify Kibwana menait des interviews à l’extérieur du Tribunal de Grande Instance de Kinshasa auprès des personnes qui s’exprimaient sur l’audience du jour en rapport avec le procès Jean-Marc Kabund, ancien cadre de l’UDPS devenu opposant et poursuivi pour outrage au chef de l’Etat. Ces militants l’ont brutalisée et menacée verbalement pour avoir interviewé des militants qui soutiennent Kabund. 

De même, le 28 juillet 2022, Daniel Aloterembi, journaliste au site d’information privé Mediacongo.net a été attaqué par un groupe de policiers qui ont saisi ses deux téléphones devant le tribunal de Grande Instance de Kinshasa pendant que celui-ci réalisé un reportage sur l’audience de Kabund.

Malgré le port des insignes indiquant qu’il est journaliste, les policiers l’ont brutalisé et immobilisé pendant plus de 5 minutes, le dépouillant de la somme d’argent qu’il avait sur lui et s’accaparant de ses téléphones.

PPI condamne le comportement malsain des militants et l’UDPS et des forces de l’ordre qui s’apprennent aux journalistes simplement parce qu’ils ont tendu le micro aux gens qui ne partagent pas le même avis que le parti au pouvoir. Il s’agit tout simplement d’une stratégie portant atteinte à la liberté et à l’indépendance de la presse dans un État dit de droit.

II. Violences contre les défenseurs des droits humains (DDH) et activistes pro-démocratie 

1. Arrestation du DDH Elie Pelcan Chamundura au Sud-Kivu : Défenseur des droits humains et coordonnateur de l’asbl UPAPC (Union Pelcan pour la lutte contre le chômage et les VSBG), Elie Chamundara a été arrêté par des agents de l’Agence Nationale de Renseignement (ANR) à Numbi, dans le territoire de Kalehe en province du Sud-Kivu, le 10 août 2022. Le 11 août, il est transféré à la prison centrale de Kalehe puis à l’ANR Sud-Kivu.

Il est reproché à Chamundara d’avoir soumis au bureau de la conseillère du Président de la République en matière des VSBG un rapport sur les violations des droits humains, dont les violences sexuelles dans lesquelles sont citées certaines autorités coutumières de la chefferie de Buhavu dans le territoire Kalehe.

Ces autorités, sont aussi impliquées dans de cas d’insécurité dans les hauts plateaux de Numbi, révèle avec témoignage ce rapport. Torturé en prison de Kalehe pendant une semaine sur ordre de ses bourreaux, Chamundura a été finalement dépêché à l’hôpital général de Kalehe le 17 août 2022, où ses bourreaux l’ont encore enlevé un jour plus tard jusqu’à un endroit isolé où il lui a été demandé de démentir son rapport.

Agonisant, Elie Chamundura a bénéficié de la liberté provisoire le 27 août 2022 à l’ANR Sud-Kivu afin qu’il poursuive les soins dans un hôpital capable de lui sauver la vie. PPI et SOS IJM saluent également une première assistance médicale lui offerte par l’ANR Sud-Kivu, mais également sa prise en charge alimentaire qu’elle lui a assuré, au point qu’il s’y est senti plus ou moins en sécurité, par rapport à la souffrance qu’il a traversée, nonobstant qu’il soit toujours en détention. 

Il est actuellement admis dans un hôpital pour des soins appropriés. Enlevé deux fois les deux dernières années (en juillet 2020 et en août 2022), le DDH Elie Chamundura craint pour sa vie, celle de ses collaborateurs et celle de sa famille à qui l’autorité coutumière aurait promis la confiscation des biens dont les champs en particulier comme lui, en tant que « leur enfant », n’a pas accepté de « démentir » son rapport.

III. Violences contre les militants pro-démocraties et artistes

1. Neuf militants du mouvement citoyen CJL arrêtés au Haut-Lomami: Au cours du mois d’août 2022, 9 militants du mouvement citoyen Communauté des Jeunes Leaders (CJL) dans la province de Haut-Lomami ont été arrêtés par les autorités locales et sont toujours en détention.

La dernière arrestation date du 25 août 2022 quand le militant Célestin Kambale Kapenda du même mouvement a été mis au cachot. Il est détenu à l’Agence Nationale de Renseignement (ANR) à Kamina, chef-lieu de cette province. A l’instar de ses camarades en détention, aucun motif ne lui a été révélé.

Le Coordonnateur provincial de la CJL, Kayumba wa Kayumba Aphande a indiqué que ces arrestations sont commanditées par la Gouverneure du Haut-Lomani, Madame Isabelle Yumba Kalenga Mushimbi, qui ne veut entendre aucune voix critiquer, déclarer ou dénoncer sa gestion.

Ces militants dénoncent une dictature imposée à tous par Isabelle Yumba, candidate de l’Union Sacrée (coalition au pouvoir en RDC) investie gouverneure du Haut-Lomami le 28 juin 2022.

RECOMMANDATIONS

Condamnant une fois de plus avec la toute dernière énergie ces cas d’abus et violations de droits des défenseurs des droits humains (DDH), des journalistes et des médias en République Démocratique du Congo, Partenariat pour la Protection Intégrée (PPI) formule des nouvelles recommandations ci-après, tout en reconduisant certaines qui n’ont jamais trouvé solution et qui demeurent importantes :

  1. Au Président de la République de : Rendre professionnelles la police, l’armée et l’ANR telles que promis lors de son investiture comme Président de la République le 24 janvier 2019, afin que cessent toutes les menaces, bavures et comportement mal saint de la plupart des éléments de ces services au nom de la promotion et de la jouissance des droits universellement garantis ; 
  1. Aux députés nationaux : de voter la loi sur la dépénalisation des délits de presse et la loi portant protection des DDH en République Démocratique du Congo afin que les journalistes et les DDH soient à l’abri des violations des droits qui leurs sont reconnus ; 
  1. A la Gouverneure du Haut Lomami : De libérer tous les militants arbitrairement détenus au cachot de l’ANR à Kamina pour leurs opinions sur la gestion ; 
  1. Aux services de sécurité à différents niveaux : de garantir la sécurité à tous les défenseurs des droits de l’homme et journalistes qui sont sous menaces de mort tel que décrit dans le présent rapport ; 
  1. Au Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication (CSAC): de se prononcer sur ces menaces et détentions arbitraires qui pèsent sur les journalistes pour une presse libre et indépendante ;
  1. Aux autorités politico-administratives et militaires du Nord-Kivu et de l’Ituri: de comprendre que les DDH et les journalistes ne sont pas leurs ennemis et s’impliquer pour leur sécurisation, surtout en cette période spéciale d’état de siège dans ces deux provinces ; 
  1. A la justice congolaise de rendre une justice équitable et qu’elle prenne des mesures garantissant la non répétitions de ces abus et violations des droits d’expressions démocratiques.
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